Québec, le 30 mars 2022
Monsieur Jean Boulet
Ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration
Monsieur le Ministre,
Récemment a été mise au jour publiquement une inquiétante iniquité dont sont victimes les candidats étrangers francophones souhaitant fréquenter un établissement d’enseignement supérieur québécois. Le Canada refuse ces étudiants dans une proportion beaucoup plus importante que leurs équivalents anglophones. Le désavantage systématique qui les frappe est non seulement une aberration, c’est également une injustice à dénoncer avec force. Cette discrimination néfaste prouve une fois de plus qu’il est urgent pour le Québec de rapatrier l’ensemble des pouvoirs en immigration.
La situation révélée désavantage certes les institutions d’études supérieures francophones de Montréal, mais aussi celles en région. Ces dernières s’avèrent des milieux d’intégration de choix pour celles et ceux qui choisissent le Québec, et une immigration étudiante francophone répartie équitablement partout sur notre territoire représente une richesse inouïe dont le gouvernement fédéral nous prive, actuellement.
Tout d’abord, la vitalité de nos réseaux universitaire et collégial, dans toutes les régions du Québec, repose en partie sur l’apport d’étudiants étrangers – on compte sur eux pour maintenir certains programmes et bénéficier d’un financement adéquat, notamment. Ensuite, n’en déplaise au Canada, le Québec a besoin de ces travailleurs de talent qui, une fois leurs études complétées, sont bien implantés dans leur communauté et prêts à prêter main-forte à nos centres de recherche, à nos entreprises, à notre réseau de la santé, à nos écoles, etc. Sachant que les taux de réussite de ces étudiants sont excellents, leur refuser la chance de venir compléter leur parcours scolaire au Québec est un total non-sens. Le prétexte employé par le fédéral pour refuser ces étudiants, selon lequel ils risquent de demeurer au Québec, est d’une hypocrisie sans nom : qu’y a‑t‑il de mal à ce que de jeunes diplômés francophones, établis depuis trois, quatre ans et bien intégrés dans une localité, essaient d’y rester? Le Québec et ses régions ont besoin d’eux!
Ensuite, ces immigrants sont appelés à une intégration plus rapide et grandement facilitée puisqu’ils maîtrisent déjà le français. Voilà à coup sûr une valeur ajoutée pour assurer la pérennité de notre langue, surtout face aux politiques migratoires du Canada! Car disons-le, ces dernières représentent un facteur central du déclin du français au Québec, et le fédéral continue de laisser la situation se dégrader. Oserons-nous avancer qu’il y prend plaisir? Il ne s’en inquiète pas, c’est le moins qu’on puisse dire.
Par ailleurs, considérant le favoritisme éhonté dont profitent les universités anglophones de Montréal – 50 % de refus à l’Université Laval contre 8 % à McGill –, l’iniquité rapportée contribue à l’anglicisation de la métropole. Dans les faits, cette situation s’ajoute à une liste déjà beaucoup trop longue de menaces à la langue française au Québec, et ce n’est pas la moins grave d’entre elles. Les démographes sont très clairs en la matière : si aucun changement majeur n’est apporté, le fait français d’Amérique est voué à devenir folklorique.
Face au mépris du gouvernement canadien, le Québec doit s’affirmer et prendre certaines choses en main. M. François Legault, rappelons-le, a fait du rapatriement des compétences en immigration une promesse électorale. Or, pour le bien de nos établissements d’enseignement supérieur francophones, pour l’occupation de notre territoire et la vitalité de nos régions, pour aider le Québec à faire face à la pénurie de main-d’œuvre, pour la sauvegarde de notre langue commune, le gouvernement caquiste doit entamer de toute urgence une négociation avec le Canada sur les pouvoirs en immigration.
Vous remerciant de votre attention, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre considération distinguée.
Pascal Bérubé, député de Matane-Matapédia
Porte-parole du Parti Québécois en matière d’immigration et de langue française
Méganne Perry Mélançon, députée de Gaspé
Porte-parole du Parti Québécois en matière d’enseignement supérieur
Co-signent également cette lettre :
M. Denis Deschamps, directeur général, Cégep de Victoriaville
M. Frédéric Lacroix, chercheur indépendant, chroniqueur et essayiste
M. Robert Laplante, directeur, L’Action nationale
M. Maxime Laporte, président, Mouvement Québec Français
Mme Josiane Lavallée, présidente, Fondation Maurice-Séguin
M. Guy Rocher, professeur émérite de sociologie, Université de Montréal
Me André Sirois, avocat auprès de l’ONU