Lettre de Paul St-Pierre Plamondon au premier ministre – Les seuils d’immigration

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Montréal, le 18 février 2022

Monsieur François Legault

Député de L’Assomption

Premier ministre du Québec

Monsieur le Premier Ministre,

Nous avons tous les deux des visions différentes quant à l’avenir politique du Québec. Le Parti Québécois, comme vous le savez, souhaite que le Québec prenne pleinement en main son avenir et décide pour lui-même dans la totalité des dossiers qui le concernent. Même si ce n’est plus votre cas, j’ai confiance que je trouverai en vous un allié sur la question du poids démographique, politique et linguistique du Québec à l’intérieur du Canada et, de manière plus générale, en Amérique du Nord. En tant que premier ministre de notre nation, vous avez une responsabilité importante à cet égard.

Cette semaine, nous avons appris l’intention du gouvernement fédéral de hausser ses seuils d’immigration de manière significative. Avec un objectif de 451 000 pour 2024 et de 1,33 million de nouveaux arrivants en 3 ans, le gouvernement Trudeau a haussé de 80 % le seuil de 280 000 à son arrivée en 2015. Cette décision aura de graves conséquences sur le Québec.

D’abord, parce qu’afin d’éviter une importante chute démographique dans le Canada, le Québec devra plus que doubler ses seuils d’immigration, pour les établir entre 100 000 et 120 000 par année, ce qui est irréaliste puisque nous ne disposons pas, dans une Amérique du Nord presque entièrement anglophone, de la capacité d’intégration linguistique, culturelle et économique pour y arriver. Le Canada le sait et procède quand même.

Ensuite, parce que la diminution du poids démographique du Québec dans le Canada entraînera forcément une diminution du poids et de l’influence politique de notre nation, déjà réduits à peu. En un peu plus de 50 ans, le poids du Québec dans la fédération est déjà passé de 29 % à 23 %, et ce, dans des périodes où la politique migratoire du Canada était beaucoup moins ambitieuse. La continuité de ce déclin entraînera la réduction du poids politique du Québec; le combat que mène actuellement le Bloc Québécois pour garantir un minimum de 25 % des sièges au Québec, pour éviter une diminution de son poids politique, devrait sonner l’alarme sur ce que nous réserve l’avenir.

Finalement, parce que le poids des francophones au Canada continuera de diminuer, ce qui entraînera une minorisation et une marginalisation encore plus accentuées de notre univers culturel, à l’instar de ce qui s’est produit pour les francophones dans toutes les autres provinces canadiennes. La cible fédérale d’immigration francophone hors Québec fixée en 2003 n’a jamais été atteinte. Sans surprise, c’est la seule cible que le Canada rate en la matière. C’est sans mentionner la discrimination qu’exerce le ministère de l’Immigration fédéral à l’endroit des immigrants francophones qui souhaitent étudier ou s’installer au Québec, et les délais injustement plus longs imposés aux candidats québécois pour recevoir leur résidence permanente, alors qu’ils ont pourtant déjà reçu un certificat de sélection du Québec.

L’Accord Canada-Québec relatif à l’immigration signé 1991 par les ministres Gagnon-Tremblay et McDougall oblige le Canada à consulter le gouvernement du Québec sur les niveaux d’immigration, ce qui inclut donc la présente hausse significative. D’abord, le Québec a-t-il été consulté à ce sujet? Si oui, quelle a été la position de votre gouvernement? Étant incapable de présumer du degré de collaboration du gouvernement fédéral, je fais donc appel à votre sens du devoir en tant que premier ministre du seul État francophone d’Amérique du Nord.

Ce dossier est d’une importance capitale pour notre avenir et ne devrait faire l’objet d’aucune partisanerie. Je vous offre donc mon entière collaboration et vous demande de vous engager clairement en opposition à cette nouvelle politique migratoire du Canada, qui aura des conséquences irréversibles sur le Québec. Je souhaite également vous entendre réitérer, de manière urgente, la demande du Québec afin d’obtenir immédiatement nos pleins pouvoirs en matière d’immigration. Pour le temps qu’il nous reste à demeurer dans ce pays, nous devons au moins avoir l’ensemble des pouvoirs pour assurer un minimum vital.

Vous remerciant d’emblée pour la suite que vous donnerez à la présente, je vous prie de croire, Monsieur le Premier Ministre, à l’expression de ma haute considération.

Le chef du Parti Québécois,
Paul St-Pierre Plamondon.

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